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28 juin 2015 7 28 /06 /juin /2015 08:10

Séquence On ne badine pas avec l’amour, Alfred de Musset.

Explication du 4ème extrait : le dénouement de la pièce, acte III scène 8.

Introduction : voir 1ère explication.

Situation de l’extrait.

Dans la scène précédente, Camille a essayé par tous les moyens d’empêcher le mariage de Perdican et de Rosette, en cherchant à faire réagir son oncle, le baron, et en s’adressant une fois de plus à Perdican par des propos provocateurs pour ce dernier et cruels pour Rosette, qui montrent qu’elle se sent impuissante et désespérée. Mais Perdican renouvelle sa promesse d’épouser la jeune paysanne, devant Camille et Rosette elle-même, qui lui demande pourtant de la laisser pour sauver son honneur.

Camille se réfugie dans un oratoire où elle est rejointe par Perdican.

Problématique.

Cette dernière scène apparaît comme l’ultime dialogue entre Perdican et Camille, celui de leur aveu mutuel. Elle va donner lieu, successivement, à une péripétie (dans la mesure où il y a renversement positif) puis à la catastrophe de la pièce, la mort de Rosette, qui fait basculer le dénouement dans la tragédie.

Plan.

I.Les masques tombent … un amour enfin possible ?

1)La sincérité de la parole

2)L’union des cœurs

3)La religion de l’amour

II.Un dénouement tragique.

1)Les indices de la tragédie

2)La catastrophe

3)Tragique et pathétique

I.Les masquent tombent…Un amour enfin possible ?

Dans la 1ère partie, la pièce semble s’acheminer vers un dénouement heureux : les personnages posent leur masque et s’avouent sincèrement leur amour. On s’attend alors à un parfait dénouement de comédie, puisque la scène d’aveux réciproques après celle de dépit amoureux est traditionnellement attendue dans ce genre théâtral.

1)La sincérité de la parole.

Les deux jeunes gens sont d’abord confrontés à une prise de conscience et un aveu solitaire qui prennent l’allure d’une confession étant donné le lieu (un oratoire) et l’interlocuteur choisi : Dieu (directement pour Camille, un peu plus tard pour Perdican).

  • Camille se met directement dans la situation de la prière, et même de la supplication pour s’adresser à Dieu, comme le signale la didascalie « Elle se jette au pied de l’autel ». la violence du mouvement indique également que cette confession est celle du désespoir.
  • Elle prend conscience de son aveuglement et du mensonge de sa vocation :
  • « Quand j’ai refusé de devenir l’épouse d’un autre que vous, j’ai cru parler sincèrement » (modalisateur « j’ai cru » au passé, qui montre qu’elle est consciente de son erreur, et cette erreur est celle de la parole)
  • les nombreuses interrogations ainsi que l’oxymore « pourquoi faites-vous mentir la vérité elle-même » montrent sa confusion, les doutes qui la troublent.
  • Elle se rend compte que le chemin vers Dieu qu’elle avait voulu choisir n’est pas le bon : « Ah ! malheureuse, je ne puis plus prier ! ».
    • La prise de conscience de Perdican s’opère par l’interpellation de l’orgueil, dont la personnification est renforcée par la périphrase qu’utilise Perdican pour le désigner : « le plus fatal des conseillers humains ».
  • P. le désigne comme responsable de son mensonge à travers plusieurs expressions désignant la parole : « sur non lèvres », « vaines paroles », « le bavardage ».
  • La question « qu’es-tu venu faire sur nos lèvres, orgueil, lorsque nos mains allaient se joindre ? » souligne bien l’opposition entre la sincérité des sentiments et le mensonge des mots, ce qui fait évidemment écho au titre de la pièce : « badiner », c’est jouer par le langage.
  • Tout comme pour Camille, la confusion de Perdican est marquée par des phrases interrogatives, et sa prise de conscience va également devenir confession dans sa deuxième réplique où il s’adresse lui aussi à Dieu, ce qui est plus étonnant pour P. dans la mesure où il a attaqué violemment la vocation religieuse de Camille.
    • Camille et Perdican vont enfin s’avouer leur amour.
  • cet aveu est pris en charge par P. mais au nom des deux, et il encadre la tirade-confession de Perdican : « Insensés que nous sommes ! nous nous aimons. » / « Ô insensés ! nous nous aimons. »
  • Camille va le confirmer par une affirmation et une répétition : « Oui, nous nous aimons », comme s’il était nécessaire de le dire plusieurs fois pour l’accepter enfin : la parole révèle la vérité des sentiments.
    • Cette scène est bien celle des aveux, comme en témoigne également le champ lexical de la sincérité : « sincère, sincèrement, conscience, vérité » ; Camille et Perdican réalisent qu’ils s’aiment et qu’ils ont refusé jusque là de se l’avouer (à l’autre et, surtout, à eux-mêmes) ; c’est comme une sorte de révélation, comme s’ils avaient été aveuglés auparavant et venaient de « se réveiller », ce que souligne l’expression « Quel songe avons-nous fait Camille ? ».
  • Il faut remarquer que le lieu est symbolique : l’oratoire est un lieu servant à la méditation et à la prière, c’est donc un lieu de vérité où les personnages sont placés face à leur parjure (Perdican pour la promesse de mariage et Camille pour la promesse faite à Dieu).
  • Il faut également souligner la manière dont le principe du « témoin caché » est utilisé ici une première fois. Perdican, « témoin caché » au début de la scène (il observe Camille et elle ne s’en rend pas compte tout de suite : « La voilà pâle et effrayée, qui presse sur les dalles insensibles son cœur et son visage. »), se dévoile rapidement à Camille, ce qui laisse entrevoir un changement positif dans l’évolution de l’action : plus de dissimulation, plus de mensonge.

2)L’union des cœurs.

Les personnages se sont enfin dévoilés à eux-mêmes et à l’autre : la parole vraie, qui remplace le « badinage », rend l’union possible.

  • On le remarque dans l’évolution des pronoms : si le début de la scène est marqué par des pronoms singuliers ou des expressions isolant les personnages (« je », « cette fille », « moi », « toi »), Perdican utilise ensuite le pronom « nous », l’unissant à Camille dans la constatation d’un amour réciproque souligné par un verbe pronominal : « nous nous aimons ».
  • Le langage du corps va répondre au langage verbal : les didascalies « Il la prend dans ses bras » et « il l’embrasse » marquent la proximité des corps et la progression de l’enlacement au baiser (les lèvres révèlent une deuxième fois les sentiments). Camille accepte le rapprochement physique (« laisse-moi le sentir sur ton cœur »), ce qui montre qu’elle accepte la dualité de l’amour (les sentiments et l’aspect physique).
  • Présence du registre lyrique (expression des sentiments) :

-chp lexical de l’amour : « nous nous aimons » (x3), « je t’aime », « cœur », « chère créature », « Il l’embrasse »

-interjections (« Oh », « Ah », « Hélas »)

-ponctuation expressive (interrogations et exclamations)

-intensifs et hyperboles : « une perle si rare », « inestimable joyau », « si tranquille océan », « pente si douce »

3)La religion de l’amour.

Dieu est l’interlocuteur privilégié des deux personnages.

  • C’est un témoin omniscient, comme en témoigne la répétition du verbe « savoir » (« vous le savez ; mon père », « il y a quinze ans qu’il le sait ») ainsi que « Vous voyez ce qui se passe ».
  • Il apparaît comme celui qui donne le bonheur, comme le montre la métaphore filée de la perle.
  • Son association au lexique de la nature et à l’amour rappelle la thématique de la nature originelle et bienfaisante (paradis terrestre / opposition nature-culture qui est un des grands thèmes de la pièce) : ce qui est évoqué ici, c’est l’idée d’un parcours initiatique qui, par l’amour humain, conduit à la divinité. L’amour divinisé (rappel : la sacralisation de l’amour par P. acte II sc.5) devient religion des deux amants, sous l’œil bienveillant de Dieu (« il veut bien que je t’aime »). Il s’agit là d’une forme de cérémonie de mariage (déclaration d’amour, embrassement, bénédiction divine) par laquelle les conceptions des deux jeunes gens se fondent en une seule (l’amour sacralisé mène à Dieu : « sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! ») : il y a réconciliation de P. et C., mais aussi de P. avec Dieu.

La dernière scène de la pièce semble bien être l’aboutissement d’un des enjeux de la comédie : présenter un comportement condamnable pour le corriger et mettre en garde. Ici, la leçon est celle du proverbe : il ne faut pas jouer avec les sentiments. Cependant, Musset ne fait pas rire son lecteur/spectateur…

II.Un dénouement tragique.

Le cri de Rosette, moment charnière, va faire basculer la pièce dans la tragédie.

1)Les indices de la tragédie.

Bien que la pièce semble s’acheminer vers un dénouement heureux, plusieurs indices alertent le lecteur/spectateur et laissent entendre la possibilité d’une autre fin…

  • Le lieu fermé s’oppose au lieu ouvert du début : il y a resserrement autour des personnages, et ce n’est plus l’heure de tous les possibles. C’est également un lieu sacré, ambigu car il peut être le lieu d’un mariage comme celui d’un enterrement.
  • Perdican semble avoir conscience dès le début de la scène de l’impossibilité de l’union. En effet, les conditionnels passés( « Elle aurait pu m’aimer », « qui nous aurait conduits ») ainsi que les nombreux imparfaits, plus-que-parfaits et passés composés (« et nous étions nés l’un pour l’autre », « tu nous l’avais donné », « tu l’avais tiré », « nous en avons fait un jouet », « le vert sentier qui nous amenait l’un vers l’autre avait une pente si douce ») rejettent le bonheur possible dans un passé révolu ou un monde irréel.
  • Le vocabulaire tragique apparaît très tôt dans la scène : « abandonnée » « malheureuse », « fatal », « vent funeste » (ces deux derniers termes sont propres à la tragédie).
  • Idem pour le vocabulaire de l’illusion : « mentir », « songe », « vaines paroles », « misérables folies », « tromper », « pénible rêve », « vanité ».
  • La réalité ne sera peut-être pas celle que Perdican et Camille attendent.

2)La catastrophe.

Le cri de Rosette, élément central de la scène, est l’événement qui bouleverse l’action et renverse le sens du dénouement : il transforme une fin qui pouvait être heureuse (mariage), une fin de comédie, en une fin marquée par la mort, c’est-à-dire une fin de tragédie. Ce cri joue donc le rôle de la catastrophe : selon le philosophe grec Aristote qui a défini la tragédie, le dénouement se fait par « catastrophe » lorsque la situation des personnages devient malheureuse par l’action d’un fait brutal et violent.

  • La didascalie souligne le changement de manière brutale : « Il l’embrasse ; on entend un grand cri derrière l’autel ». La juxtaposition des deux idées dramatise la situation.
  • Le procédé du témoin caché est utilisé ici différemment par rapport à l’ensemble de la pièce :

-il ne s’agit pas de faire rire en jouant sur les conventions théâtrales. Si ce procédé évoluait déjà vers le drame lors de la scène entre Perdican et Rosette à la fontaine, où Camille jouait le rôle du témoin caché, ici il provoque le dénouement tragique.

-C’est le seul moment de la pièce où le spectateur lui-même ignore la présence d’une tierce personne : l’auteur ne joue plus sur la double énonciation, ce qui renforce la surprise et le choc du dénouement.

-La tierce personne cachée n’est pas immédiatement identifiée, ce qui renforce l’effet ce de coup de théâtre.

  • Autour de ce cri, on peut observer une structure en chiasme, dans la présence des personnages et dans la construction de la parole :

Camille / Perdican / Camille et Perdican prière (Camille) / dialogue

CRI CRI

Camille et Perdican / Perdican / Camille dialogue / prière (Perdican)

  • l’adieu de Camille constitue le dénouement
  • ces chiasmes révèlent l’inversion de l’action, le changement de dénouement.

A partir de ce cri, le nœud est immédiatement renoué. Le lecteur/spectateur comprend que les aveux mutuels ne constituaient qu’une péripétie ; on a l’impression d’assister à un double dénouement, et le vrai dénouement est fondé sur un coup de théâtre, il est donc extrêmement rapide : le couple se sépare et ne se reformera plus.

3)Tragique et pathétique.

  1. Registre pathétique.
    • Solitude des deux personnages au début de la scène : Camille, désespérée, se livre à Dieu avec des paroles inspirées de celles du Christ en croix : « M’avez-vous abandonnée, ô mon Dieu ? »
  • les phrases interrogatives traduisent son désarroi: « Ne voulez-vous donc plus de moi ? » / le pronom interrogatif « pourquoi » utilisé à deux reprises.
  • interjections et soupirs
  • la description qu’en fait Perdican renforce cette impression de trouble profond : « la voilà pâle et effrayée ». C’est une image d’impuissance qui se dégage du personnage de Camille.
  • Le sentiment de culpabilité de Perdican à la fin de la scène, et son désir de croire encore à une fin heureuse.
  • humilité de Perdican à travers sa supplication (« Je vous en supplie, mon Dieu ! ») qui rappelle celle de Camille au début de la scène et s’oppose complètement à l’orgueil qui le guide pendant la pièce (d’autant plus que P. s’adresse à Dieu, lui qui semblait rejeter la religion)
  • invocation de l’innocence de C. et P. à travers la métaphore de l’enfant : « nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort »
  • l’utilisation de l’indicatif futur (« je lui trouverai », « je réparerai ») montre que P. refuse la réalité et veut encore désespérément croire à une issue heureuse.
  • de manière plus générale, le pathétique encadre la scène qui révèle les erreurs des personnages sur eux-mêmes et leur incapacité à trouver le bonheur : « cette vie elle-même est un si pénible rêve ».
  • la mort du personnage le plus innocent et le plus sincère de la pièce participe aussi au pathétique du dénouement.

  1. Registre tragique.
  • Le tragique implique un destin funeste, la mort d’un ou plusieurs personnages : c’est, ici, Rosette qui meurt.
  • cette mort est d’autant plus violente qu’elle est soudaine, inattendue, et qu’elle n’a pas d’explication « rationnelle » : Rosette semble mourir de désespoir, du choc de la révélation de l’amour entre Camille et Perdican.
  • champ lexical de la mort : « sang », « froid mortel », « meurtrier », « la mort », « tuez », « morte »
  • la mort de Rosette en coulisses rappelle la bienséance de la tragédie classique.

  • Présence de la fatalité :
  • elle est évoquée très tôt dans la scène, dès la première réplique de Perdican : « Orgueil, le plus fatal des conseillers humains », et P. insiste d’ailleurs en utilisant le superlatif.
  • Les phrases « cette vie est elle-même un si pénible rêve » et « « Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes » (le verbe « falloir » est un indice de la fatalité) donnent une vision pessimiste de l’existence, identifiant la vie au malheur et le désir de faire du mal à une composante de l’homme, ce qui pourrait correspondre au tragique de la condition humaine.
  • Rosette, jouet de C. et P., est soumise à la fatalité : malgré sa sincérité, sa pureté, et ses tentatives dans l’avant-dernière scène pour que P. renonce à l’épouser, le piège du mensonge s’est refermé sur elle.
  • C. et P. sont sans doute coupables mais pas totalement responsables, et Perdican invoque plusieurs responsables :

-l’orgueil, qu’il personnifie pour mieux pouvoir l’accuser, comme si c’était une entité qui avait agi indépendamment de lui : « qu’est-tu venu faire entre cette fille et moi ? ».

-des défauts dont ils auraient été victimes : « la vanité, le bavardage et la colère », encore personnifiés

-la fatalité de leur condition humaine (voir plus haut)

-l’inconscience de la jeunesse, à travers les métaphores de l’enfance et du jeu : « comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet » / « nous sommes deux enfants insensés ».

  • ironie tragique : au moment où les personnages s’avouent leur amour, ils rendent par leur aveu leur union impossible (l’ironie tragique, c’est quand le héros se trompe totalement sur sa situation et court à sa perte en pensant se tirer d’affaire).

  • Présence du divin : elle donne à cette dernière scène des allures de « jugement dernier ».
  • champ lexical : « ô mon Dieu » (x2), « mon père », « prier », « pêcheur céleste », « route céleste », « bénir »
  • les deux personnages s’adressent à Dieu : sous la forme de prière au début et à la fin (Camille puis Perdican), mais aussi pour le prendre comme témoin de leur erreur et de leurs aveux dans la tirade de Perdican.
  • Contrairement à la tragédie, le divin n’est pas ici celui d’une cruelle malédiction. C’est l’homme qui est responsable de son malheur, pas Dieu. Camille et Perdican n’ont, par orgueil, pas su accepter le bonheur offert par Dieu : « tu nous l’avais donné, pêcheur céleste […] cet inestimable joyau ; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet ». Avec l’évocation romantiques du « vert sentier » et du « si tranquille » horizon », c’est à nouveau l’image du paradis terrestre qui se dessine ici, associée à l’amour comme elle l’a été à plusieurs reprises dans la pièce : C. et P. ont provoqué leur propre chute, le dénouement tragique est un châtiment pour le péché d’orgueil, péché originel qui a précipité Adam et Eve dans la souffrance du « paradis perdu » (l’hybris dans la tragédie antique).
  • L’idée du châtiment est renforcée par la dernière réplique de Perdican qui avoue sa culpabilité et cherche à se justifier en invoquant l’insouciance pour échapper à ce qui apparaît, dans son discours, comme une punition divine : « ne faites pas de moi un meurtrier ». Il demande d’ailleurs, juste avant la fin, la bénédiction divine, qui peut évoquer le mariage auquel pense Perdican, mais aussi un pardon ultime pour leurs actes.

P. propose une résolution heureuse de l’action, où les fautes seraient réparées, mais sa prière ne pourra être exaucée : le dramaturge refuse une solution de facilité qui donnerait une issue factice à la pièce. D’autre part, la cruauté même inconsciente des personnages ne peut être pardonnée : Rosette blesse ceux qui l’ont blessée, Camille et Perdican on trop « joué ».

=> Le dénouement de la pièce est brutal : il est constitué par l’adieu de Camille à Perdican. C’est un adieu brutal et définitif entre deux personnages qui ne peuvent plus s’unir ; c’est un adieu à l’enfance, à l’innocence, à l’amour, au pardon (obligation pour l’adulte d’assumer ses fautes => punition) ; mais c’est aussi l’échec d’une quête, d’un idéal d’amour et de bonheur, et à l’inverse une victoire de la réalité sur l’idéal, sur la quête d’absolu.

=> Le dénouement de la pièce donne tout son sens au titre. Ce dernier joue à la fois le rôle d’avertissement et de conclusion, de constat. Il illustre le proverbe et éclaire la pièce (les dangers du badinage amoureux, du langage, de l’orgueil, du jeu) : on ne joue pas avec l’amour, car l’amour est le « principe du monde » (A. de Musset dans Confession d’un enfant du siècle) et la mort peut en être la conséquence (La fin tragique et brutale est bien éloignée du divertissement mondain que constituait le genre du proverbe). La rupture imposée par Camille à la fin de la pièce montre qu’elle a compris la leçon du proverbe : le titre de la pièce se trouve justifié.

Conclusion.

A la fin de la pièce, Musset reprend le principe du témoin caché pour surprendre le lecteur/spectateur par un dénouement/coup de théâtre. Il joue, comme dans la 1ère scène, sur le mélange des registres, qui sert ici à renforcer la leçon du proverbe, de même que l’inversion de construction qui répond à la symétrie du début de la pièce. La dramatisation de la leçon correspond à la vision pessimiste de l’amour et des hommes de l’auteur : il n’y aura pas de rédemption pour le jeune couple, le repentir intervient trop tard : le bonheur est finalement inaccessible.

Le dénouement semble cependant incomplet : il n’y a pas d’indications sur le devenir des personnages. Entrent-ils dans le monde des adultes ? Les deux personnages vont-ils rejoindre les « fantoches », leurs doubles grotesques ?

Ouvertures possibles :

-le conflit entre l’idéal de la jeunesse et la réalité du monde adulte se retrouve dans la pièce Antigone de Jean Anouilh, où l’auteur revisite le mythe d’Antigone : affrontement entre Antigone, jeune fille révoltée et exigeante, figure de l’héroïne tragique, et son oncle Créon, roi vieillissant de Thèbes.

-Le jeu de masques et la quête de sincérité associés à l’amour rappellent Le Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux mais, là, l’histoire finit bien.

-L’adieu de Camille évoque celui d’Octave à Marianne à la fin des Caprices de Marianne, pièce écrite par Musset en 1836 et qui met également en scène le thème de l’amour impossible.

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