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27 juin 2015 6 27 /06 /juin /2015 14:49

Le marivaudage.

Apparu en 1760 et souvent pris en mauvaise part, le terme de « marivaudage », associé aux comédies de Marivaux, désigne un style précieux et raffiné appliqué à l’expression des sentiments amoureux. Alors que les comédies de Marivaux rencontraient la faveur du public, elles se sont longtemps heurtées à l’incompréhension de la critique. Il faut attendre le XXème siècle pour que justice soit rendue au caractère novateur de ce théâtre.

Une dramaturgie novatrice.

  • La singularité de l’œuvre réside dans l’invention d’un langage apte à suggérer les manifestations les plus cachées et les plus fines du sentiment amoureux. L’auteur déclare avoir « guetté dans le cœur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l’amour lorsqu’il craint de se montrer ». Il s’agira donc d’amener en pleine lumière l’amour caché, en levant un à un tous les obstacles qui s’opposent à ce dévoilement.
  • Contrairement à Molière, Marivaux ne fait pas de l’autorité parentale l’obstacle majeur au mariage. Dans Le Jeu de l’amour et du hasard, Orgon encourage d’ailleurs le stratagème de Silvia et laisse sa fille libre de son choix. Ainsi, Marivaux substitue aux obstacles extérieurs traditionnels des obstacles intérieurs, voire des obstacles extérieurs que le personnage a faits siens et intériorisés. Par exemple, les craintes et hésitations de Silvia qui la poussent à se déguiser constituent un frein à la naissance de l’amour (obstacle intérieur), mais l’inclination qu’elle ressent ensuite pour Dorante est contrariée par les préjugés liés à la condition sociale et à l’éducation (obstacles extérieurs intériorisés).

Naissance et triomphe de l’amour

  • Si l’inclination amoureuse fait une large part à l’apparence et à la séduction, elle se fortifie par l’admiration et par l’estime. De plus, les personnages qui gravitent autour du couple futur – et avec eux les spectateurs – assistent en témoins lucides à la naissance du sentiment amoureux. Ils en viennent même à jouer un rôle actif dans le devenir de cet amour, tel Mario qui, sur la demande de Silvia, rend Dorante jaloux et le pousse ainsi à donner à sa soeur une véritable preuve d’amour. Quand l’un des deux amants a de l’avance sur l’autre, il a tout le loisir d’observer les progrès ou les reculs du sentiment amoureux chez l’être aimé. C’est ce qui arrive à Silvia : elle décide de continuer le jeu après la révélation par Dorante-Bourguignon de son identité véritable.
  • Tous les obstacles sont levés quand l’amour accède à la conscience. Aucune convention sociale ne saurait dès lors lui résister. C’est ainsi que Dorante, vaincu, finit par proposer le mariage à Silvia-Lisette, qu’il prend pour une simple soubrette. Acquise au terme d’une évolution personnelle parfois douloureuse, la transparence à soi-même fonde ce droit au bonheur en faveur duquel ce théâtre plaide de tout sa force.

Un langage nouveau

Le marivaudage participe d’une thématique inlassablement reprise (naissance et surprise de l’amour) et crée une dramaturgie qui oppose à l’aveuglement de cœurs épris l’un de l’autre à leur insu, la lucidité des personnages-témoins et du spectateur. Enfin, il invente un langage oscillant entre dissimulation et dévoilement. On peut relever les orientations stylistiques de ce théâtre de la suggestion et du non-dit :

-le rôle des apartés : ils trahissent parfois un début d’inclination ;

-l’emploi des tirades : elles permettent à un personnage de continuer à se tromper sur la nature véritable de ses sentiments ou de se dévoiler pour pousser l’autre dans ses ultimes retranchements ;

-l’art du dialogue et le badinage amoureux (hyperboles, reparties spirituelles, jeux de mots, vivacité des enchaînements) ;

-la fréquence des marques du locuteur (ponctuation expressive, indices divers de l’affectivité) ;

-l’ambiguïté du discours : systèmes hypothétiques et conditionnels ambigus trahissent souvent des désirs dont les personnages ne sont qu’à demi-conscients. Un comique subtil peut naître de ces ruses du langage qu’empruntent les personnages pour continuer à se déguiser à eux-mêmes leurs véritables sentiments.

La commedia dell’arte (dont Marivaux s’inspire)

La « Commedia dell’arte », née vers 1550 en Italie, signifie : théâtre professionnel. Les Comédiens de l’Art gagnent leur vie à jouer la comédie. Ils font payer les spectateurs, et sont capables de représenter tragédies, comédies, tragi-comédies, pastorales, drames à l’espagnole et, bien sûr, farces. C’est grâce à la farce qu’ils se font remarquer partout (en Espagne, en Allemagne et surtout en France), à tel point que le terme de Commedia dell’Arte, de général (théâtre professionnel) en vient à désigner exclusivement le jeu masqué, improvisé, à personnages fixes, volubile et acrobatique.

Lieux de représentation : Les Comédiens de l’Art jouent partout (rue, palais) en privé comme en public. Itinérants, ils « tournent » sans cesse et ne semblent pas chercher l’installation dans un lieu fixe .

Improvisation : Pour la Comédie des Masques, on « fait son texte », face au public, sur un thème réglé d’avance : le scénario. Il s’agit donc de la création collective de comédiens habitués à jouer ensemble. Mais le scénario est l’œuvre d’un auteur (souvent, bien sûr, un acteur de la troupe) parfaitement inconnu du public et des gens de lettres.

Lazzi : Effet burlesque, trouvaille qui fait rebondir l’action, en marge du scénario, « gag », mimiques, contorsions, acrobaties ou plaisanteries (lazzi verbal)

Masque : Il complète le costume pour caractériser le personnage. Il s’agit en fait d’un demi-masque stylisé en cuir, qui cache le haut des visages. On peut parler, non grimacer. Tout le jeu est reporté sur le corps.

Comédiennes : Les femmes sont sur scène !! L’Italie devance, là, tous les pays d’Europe, et c’est évidemment très attractif.

Personnages : Types populaires, originaires de toutes les régions d’Italie, avec leurs accents, leurs tics, leur psychologie fixée une fois pour toutes.

On trouve notamment : Pantalon (vieillard), Colombine (la soubrette), Polichinelle et Pierrot (zanni) et, bien sûr, Arlequin (zanni, valet), personnage de théâtre le plus connu de tous les pays et de tous les temps.

Adoptée en France au 17ème siècle, la Commedia dell’arte inspirera surtout Molière puis Marivaux, à travers des personnages (Arlequin, Sganarelle, Scapin…) et des situations caractéristiques (échange des costumes, bastonnades, tromperies, fanfaronnades…)

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